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09 Dec

Paysage littéraire de la Turquie contemporaine, éd. L'Harmattan, 1993

Publié par Nedim GÜRSEL  - Catégories :  #Essai, #Diaporama des livres publiés en France de 1980 à nos jours, #Interview

Paysage littéraire de la Turquie contemporaine, éd. L'Harmattan, 1993

Paysage littéraire de la Turquie contemporaine, éd. L'Harmattan, 1993

« Paysage littéraire de la Turquie contemporaine » de Nedim Gürsel : La force de la littérature turque

vendredi 16 avril 2010, par Adel LATRECH

Recourir au passé, proche ou lointain, pour éclairer le chatoiement complexe du présent. En d’autres termes, puiser aux racines afin de dévoiler la richesse et la diversité du paysage littéraire, c’est ce que Nedim Gürsel a entrepris dans ce livre, présentant pour la première fois au lecteur francophone une série de points de repère dans une littérature encore largement méconnue

L’histoire des Turcs est une longue marche au sens littéral du terme qui démarre aux confins de la Chine pour aboutir à la Méditerranée orientale. La fondation de la République de Turquie en 1923 n’est en fait que l’étape ultime de cette longue marche dont les péripéties sont assez mal connues à l’étranger.

La littérature turque contemporaine, si riche et si variée, prenant son essor d’une société dynamique de 80 millions d’âmes et puisant ses sources dans une tradition millénaire, mériterait d’être mieux connue.

Il faut évoquer l’importance capitale d’un Yunus Emre (XIIIe siècle), mais aussi d’un idéologue comme Ziya Gِkalp, pour comprendre les fondements des classiques du XXe siècle que sont Nazim Hikmet, Saït Faik et Yasar Kemal.

La poésie

Les réformes kémalistes entreprises après la République furent une étape importante dans le processus d’occidentalisation de la société turque. La réforme de l’alphabet réalisée en 1928 ne porta pas seulement un coup décisif à l’usage des caractères arabes très incommodes pour écrire le turc qui possède huit voyelles, alors que l’arabe n’en possède que trois, mais détacha en même temps la culture nationale de son héritage arabo-musulman.

Dans la Turquie nouvelle, occidentalisée par une série de réformes radicales, la rupture poétique d’avec la tradition ottomane se fit d’une manière irréversible par l’irruption d’un grand poète sur la scène littéraire : Nazim Hikmet (1902-1963). Influencé par le futurisme russe à ses débuts, il fit table rase des formes fixes en utilisant, pour la première fois dans l’histoire de la poésie turque, le vers libre. Condamné à cause de son engagement politique, c’est en prison, au contact des paysans, qu’il évolua vers une synthèse moderne de la tradition épique et composa la plus importante partie de son œuvre.

Une nouvelle tendance poétique qui s’imposa en marge de la poésie engagée de Hikmet, interdite après le départ de celui-ci en exil, s’attaqua aux poncifs de toute espèce à partir des années 1940. Orhan Veli (1914-1950), Oktay Rifat (1914-1988) et Melih Cevdet Anday (né en 1915) furent les précurseurs de ce mouvement poétique baptisé « Garip » (Bizarre). Frôlant parfois le surréalisme, Garip a été une réaction contre la fioriture de la poésie du Divan et la poésie du XIX siècle. Ainsi, ce mouvement renonça à toute image métaphorique en essayant d’exprimer, dans leur réalité intrinsèque, les problèmes sociaux d’un pays en voie de développement. Après la mort prématurée d’O.Veli, chef de file du mouvement, O. Rifat et M.C. Anday s’orientèrent vers une poésie plus cérébrale et moins provocatrice. Tous les deux figurent aujourd’hui parmi les plus illustres noms de la poésie turque contemporaine qui connaît un âge d’or tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif.

En effet, depuis l’éclipse du mouvement Garip, plusieurs tendances dominent la scène poétique dont “Ikinci Yeni” (le second renouveau) qui réhabilita la métaphore et l’abstraction. Les poèmes érotiques de Cemal Süreya (1931-1990) et d’Edip Cansever (1928-1986), nourris d’un sentiment tragique de la vie, expriment une sensibilité nouvelle, alors que les derniers poèmes d’Ece Ayhan, né en 1931, démystifient le passé glorieux de l’Empire ottoman et connaissent actuellement un grand succès auprès des jeunes intellectuels.

D’autres poètes qui ne partageaient pas les orientations de Ikinci Yeni s’engagèrent dans la voie ouverte par Nazim Hikmet en prônant une poésie révolutionnaire, combative et accessible à tous. Parmi les poètes représentatifs de cette nouvelle poésie qui revendique l’héritage des bardes d’Anatolie, on peut citer Ahmet Arif (1927-1990), constamment réédité, Gülten Akin, née en 1933, poétesse qui dénonce l’injustice dans la lignée de la poésie populaire contestatrice, Ataol Behramoglu, né en 1942, et Nevzat اelik, né en 1961, dont le dernier livre relatant son expérience carcérale a battu tous les records de vente.

On ne peut parler de la poésie turque contemporaine sans citer deux noms qui n’appartiennent à aucune école mais qui dominent la scène poétique par l’importance et la diffusion de leur œuvre. Il s’agit de Behcet Necatigil (1916-1979) et de Fazil Hüsnü, né en 1914. Il faudrait enfin mentionner, dans cette effervescence riche et variée, des poètes qui ne sont pas des chefs de file d’un mouvement ni d’une génération mais qui, par l’originalité et la qualité de leurs œuvres, contribuent à l’élaboration d’un langage poétique moderne, tels Mühip Diranas (1909-1980), Asaf اelepi (1907-1958), Cahit Taranci (1910-1956), Salah Birsel, né en 1919, Can Yücel, né en 1926, Attila Ilhan, né en 1925, Hilmi Yavuz, né en 1936, et Enis Batur, né en 1952, chef de file de la jeune poésie turque.

La prose

La prose turque contemporaine, dont la genèse remonte au XIXe siècle, a été marquée, au lendemain de la guerre d’indépendance, par le réalisme anatolien dont les précurseurs furent, après Nabizade Nazim, Refik Halid Karay (1888-1965) et Resat Muri Güntekin (1889-1965). Mais c’est Yakup Karaosmanoglu (1889-1974) qui ouvrit véritablement la voie à la littérature dite “paysanne” en publiant “Yaban” (l’Etranger) en 1932. Depuis, Yaban, qui suscita un débat dont les retombées continuent encore à diviser les intellectuels turcs sur les politiques du développement, toute une génération d’écrivains d’origine paysanne prit la relève pour décrire la réalité sociale anatolienne. Ces écrivains, comme Mahmut Makal, né en 1930, Fakir Baykurt, né en 1929, Talip Apaydin, né en 1926, et beaucoup d’autres qui témoignèrent de la misère et de l’injustice sociale, furent toutefois dépassés par deux grands écrivains réalistes dont les romans servirent de modèle à la jeune génération : Sabahattin Ali (1906-1948) et Orhan Kemal (1914-1970).

La jeune littérature

Alors que Yasar Kemal, le plus connu en France des écrivains turcs, continue encore la thématique anatolienne, une jeune littérature attentive à la vie sociale et intellectuelle des grandes villes émerge sur la scène littéraire. Parmi les écrivains de cette tendance, il faut mentionner Demir ضzlü, né en 1935, l’auteur d’une dizaine de recueils de nouvelles inspirées du nouveau roman français, Ferit Edgü, né en 1936, Erdalِz, né en 1935, Hulku Aktuns, né en 1949, et, enfin, Orhan Pamuk né en 1952, prix Nobel de littérature en 2006. Par ailleurs, l’œuvre humoristique d’Aziz Nesin, né en 1915, très populaire en Turquie mais aussi dans les pays de l’Est, les nouvelles minutieusement travaillées de Tahsin Yücel, né en 1933, de Sevins Burak (1931-1984), en quête de son identité juive, ainsi qu’un grand nombre de romans écrits par des femmes dont Halide Edip, une des premières Turques qui ouvrit la voie à une littérature féminine, Adalet Agaoglu, Sevgi Soysal, Leyla Erbil, Nazli Eray, Füruzan, Pinar Kür, Perihan Magden et Ayse Kulin.

La littérature turque contemporaine qui reste à découvrir se porte infiniment mieux depuis la démocratisation de la vie politique survenue ces dernières années. Plus de livres réquisitionnés, mis au pilon, auteurs poursuivis, descente de police chez les libraires. Le résultat ne s’est pas fait attendre avec la consécration d’Orhan Pamuk qui reçoit le prix Nobel de littérature en 2006.

Paysage littéraire de la Turquie contemporaine, de Nedim Gürsel, Editions L’Harmattan.

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